Les coûts économiques des catastrophes naturelles continuent d’exploser. C’est ce que montre le dernier rapport de la Swiss Reinsurance Company (Swiss Re), compagnie d’assurance et de réassurance suisse, qui chiffre chaque année les pertes économiques liées aux catastrophes naturelles et climatiques, et les coûts liés à l’assurance des sinistres. D’après ses calculs, les catastrophes naturelles auraient coûté en 2024 près de 300 milliards d’euros (310 millions de dollars), un chiffre en hausse de près de 26% par rapport à la moyenne des 10 années précédentes. Pour les compagnies d’assurances, les coûts se montent à près de 130 milliards d’euros de pertes assurées, soit une augmentation de 33% par rapport à la dernière décennie.
“Pour la cinquième année consécutive, les dommages assurés liés aux catastrophes naturelles dépassent les 100 milliards de dollars”, analyse ainsi Balz Grollimund, responsable des risques catastrophes naturelles chez Swiss Re. L’expert met notamment en avant le “rôle croissant” du réchauffement climatique, qui a “favorisé les conditions de nombreuses catastrophes naturelles cette année”. La multiplication des tempêtes, ouragans et inondations partout dans le monde sous l’effet de la crise climatique constitue en effet l’un des leviers majeurs de la hausse des coûts des catastrophes en 2024.
Tempête Boris, inondations à Valence, ouragans…
En Europe, par exemple, les phénomènes climatiques comme les inondations de Valence en Espagne, qui on fait près de 230 morts, ou la tempête Boris en Europe Centrale auraient ainsi coûté directement près de 10 milliards d’euros en 2024. Cette année aura ainsi été la seconde année la plus chère de l’histoire pour la région en matière de dommages assurés liés aux inondations. Aux Etats-Unis, ce sont les cyclones et ouragans, eux aussi intensifiés par le réchauffement climatique, qui ont coûté le plus cher : les ouragans Helene et Milton auraient à eux deux engendré des pertes équivalentes à près de 45 milliards d’euros dans le pays, en détruisant de nombreuses infrastructures sociales et économiques. Au total, l’année 2024 se classe en seconde position des années les plus chères en matière de pertes économiques liées aux cyclones, juste derrière 2023, qui avait été marquée par une saison particulièrement active.
Selon Jérôme Jean Haegeli, économiste en chef du groupe Swiss Re, on peut s’attendre à ce qu’une “augmentation annuelle de 5 à 7% des dommages assurés se poursuive”, sous l’effet de la multiplication des risques environnementaux et de l’inflation. Des projections en ligne avec celles publiées par d’autres experts ces dernières années. Il y a quelques semaines, le réseau mondial des banques centrales estimait ainsi que près de 15% du PIB pourrait être perdu en 2050 à cause du réchauffement climatique.
Déficit d’adaptation, crise de l’assurance
Comme le montre le rapport, une telle hausse des coûts est cependant aussi le résultat du déficit d’adaptation des sociétés et des économies mondiales face à une réalité climatique de plus en plus difficile. Jean Haegeli pointe ainsi les “lacunes de protection” persistantes de nos systèmes économiques, notamment liées à l’étalement urbain et la destruction des écosystèmes naturels qui fragilisent les territoires face aux catastrophes climatiques. Lors des inondations de Valence, de nombreux experts avaient ainsi montré que l’artificialisation des milieux avait largement accentué les phénomènes de crues observés et les dégâts engendrés par les inondations. Avec des activités humaines et économiques qui tendent à se concentrer dans des zones fragiles et exposées, et des risques climatiques qui s’intensifient, c’est une véritable crise économique qui pourrait se profiler, ainsi qu’une crise de l’assurance, au fur et à mesure que les coûts des sinistres explosent. Face à cette alerte, Jean Haegeli “souligne la nécessité d’une adaptation combinée à une couverture d’assurance adéquate capable de soutenir la résilience financière”
En France, le coût des catastrophes pour le monde de l’assurance a considérablement augmenté ces dernières années, au point qu’une partie de la France est déjà considérée “inassurable”. Et pour l’heure, les mesures mises en place face à cette crise semblent encore insuffisantes. Le PNACC3, troisième plan national d’adaptation au changement climatique, en discussion depuis octobre, est d’ores et déjà critiqué pour son manque d’ambition et de moyens financiers. Les mesures proposées par le gouvernement en avril dernier pour inciter les assureurs à améliorer leur couverture du territoire face au risque de catastrophes naturelles se font quant à elles toujours attendre. Alors que les climatologues de Météo-France et du Centre National de Recherche Météorologique prévoient des hausses des températures pouvant atteindre +4 degrés en 2100, il y a plus que jamais urgence à anticiper les risques.